
Ce billet propose une synthèse opérationnelle et approfondie du « Rapport 2024 sur le dispositif LCB-FT » publié par H2A France, afin d’en extraire les tendances, bonnes pratiques et zones de vigilance pour des compliance officers expérimentés. Nous structurons l’analyse autour des exigences prudentielles et pénales applicables en France et dans l’UE, des attentes des autorités (ACPR, AMF, TRACFIN, ESMA, EBA) et des procédés éprouvés de maîtrise du risque LCB-FT, en intégrant une lecture prospective utile à la mise à niveau des dispositifs.
Le rapport 2024 aborde le cœur du dispositif LCB-FT : gouvernance, cartographie des risques, KYC/KYB, vigilance renforcée, filtrage sanctions/embargos, surveillance des transactions, déclarations TRACFIN, contrôles de niveaux 1-2-3, qualité des données et pilotage. Il s’inscrit dans la continuité des exigences issues du Code monétaire et financier, des lignes directrices ACPR/AMF, des standards européens (EBA, ESMA) et des attentes relatives à la future architecture européenne AMLA.
La portée du rapport intéresse prioritairement les établissements de crédit, entreprises d’investissement, sociétés de gestion, assureurs, établissements de paiement/monnaie électronique, acteurs crypto-asset (MiCA), ainsi que les filiales européennes de groupes internationaux soumis à des contraintes multi-juridictionnelles.
Les enseignements 2024 confirment la nécessité d’un sponsoring fort du top management : appétence au risque formalisée, politiques LCB-FT consolidées, et articulation claire des rôles au sein des trois lignes de maîtrise. Le rapport met l’accent sur l’accountability : capacité à démontrer la cohérence des choix (vigilance, exemptions, seuils d’alertes) et à tracer les arbitrages (comités risques, décisions d’entrée/sortie de relation, tolérance commerciale vs conformité).
L’efficacité repose sur : (i) une fonction conformité dotée de ressources et d’outils adaptés, (ii) une coordination permanente avec les métiers (KPI/KRI partagés), (iii) un audit interne en mesure de tester substantivement la conception et l’effectivité des contrôles, (iv) un reporting exécutif concis et fondé sur la donnée (« data-driven compliance »).
Le rapport insiste sur la granularité de la cartographie : matrice pays/produits/canaux/clients, facteurs aggravants (PEP, cash intensif, non-présentiel, chaînes de paiement complexes, crypto-actifs), exposition aux sanctions et détournements potentiels. Les meilleures pratiques établissent un lien serré entre cartographie, segmentation clients et calibration des seuils d’alerte, afin d’éviter la « surveillance cosmétique » et de concentrer l’effort sur les scénarios réellement plausibles.
La segmentation évolue vers des approches dynamiques : ajout de variables comportementales (patterns transactionnels, variations de flux, saisonnalité) et d’indicateurs externes (listes de surveillance, typologies TRACFIN, retours d’inspection). L’enjeu 2024-2025 est d’industrialiser l’actualisation de la cartographie, via des cycles courts, permettant d’ajuster rapidement KYC et monitoring.
Le rapport 2024 souligne la qualité documentaire et la vérification de l’ayant droit économique (UBO), la mise à jour périodique alignée sur le risque, l’activation de diligences renforcées (EDD) pour PEP, juridictions à haut risque et schémas impliquant des couches d’intermédiation. La traçabilité de la « raison d’être » de la relation, la connaissance des sources de revenus/fonds et l’évaluation de l’objectif et de la nature de l’opération demeurent structurantes.
Des progrès sont observés dans le rapprochement entre KYC initial et événements de vie (triggers : changement d’actionnariat, bond de volumes, nouveaux corridors géographiques). Le rapport appelle à consolider le lien KYC—surveillance des transactions, pour éviter les « silots » qui masquent les incohérences.
L’édition 2024 rappelle le caractère non-négociable de la maîtrise des listes sanctions (ONU, UE, OFAC selon périmètre), du filtrage contreparties et messages (SWIFT, SEPA, crypto-addr si applicable), ainsi que du screening adverse media et PEP. Les institutions performantes combinent tuning fin, gouvernance des listes, revue des faux positifs, traçabilité des rejets et délais de traitement contractés, avec un plan de continuité en cas de vague de mises à jour réglementaires.
L’interface avec la gestion des embargos (y compris biens/services à double usage) suppose une coordination rapprochée entre sanctions, trade compliance et opérations. Le rapport recommande d’outiller le rapprochement entre alertes sanctions et analyse KYC/transactions pour limiter les angles morts.
L’année 2024 confirme une trajectoire vers des scénarios plus spécifiques et explicables, ainsi que des modèles analytiques capables de capter des signaux faibles. Le rapport plaide pour : (i) un inventaire exhaustif des scénarios aligné sur la cartographie, (ii) des justifications formalisées des paramètres, (iii) des tests de performance (précision/recall, temps de traitement), (iv) une boucle d’amélioration continue basée sur les retours TRACFIN et les résultats d’enquêtes.
La qualité des données demeure le déterminant n°1 : complétude, standardisation, dictionnaires partagés, référentiels de contreparties et de géographies, maîtrise des champs libre. Sans socle data robuste, l’optimisation des scénarios ne se traduit pas en bénéfices opérationnels.
Le rapport met en avant le calibrage du seuil de suspicion, la documentation des raisonnements, la réactivité et la qualité des échanges avec TRACFIN. Il insiste sur la nécessité d’un dispositif de gel des avoirs testable, avec une chaîne d’escalade claire, des délais d’exécution maîtrisés et un contrôle périodique de l’effectivité. La conservation des éléments probants suit les durées légales, avec un souci de réutilisabilité pour les audits et inspections.
Le rapport 2024 encourage un contrôle permanent de 1ère ligne plus outillé (pré-contrôles KYC, validations automatisées, seuils de qualité) et une 2ème ligne capable de challenger le calibrage et les exceptions. L’audit interne (3ème ligne) renforce les tests substantifs et l’échantillonnage basé sur les risques, en se dotant d’outils d’analyse pour objectiver ses constats.
La maturité des dispositifs passe par des formations contextualisées, proches des cas concrets et fondées sur les typologies récentes. Le rapport souligne l’intérêt d’indicateurs de culture conformité : taux de complétude, scores de quiz, mise en pratique, retours post-incident. La conduite du changement est clé pour déployer de nouvelles règles, outils et segmentations sans dégrader l’expérience client.
Le rapport 2024 insiste sur la gouvernance data : propriétaires de données, dictionnaires, SLA de qualité, contrôles préventifs et correctifs, et traçabilité bout-en-bout. L’auditabilité exige des journaux d’événements complets, des rationales accessibles et des preuves archivées. Le data lineage doit permettre d’expliquer chaque alerte, décision ou rejet.
Les innovations (scoring, graph analytics, traitement du langage, détection d’anomalies) sont encouragées lorsqu’elles sont explicables, testées et documentées. Le rapport recommande des modèles monitorés (drift, bias), avec des features justifiées par la cartographie des risques, et une gouvernance modèle qui englobe le cycle de vie, l’indépendance des validations et la réversibilité.
Le rapport met en lumière les risques de correspondance bancaire : due diligence approfondie, compréhension des contrôles du correspondant, clauses contractuelles, tests de transactions et mécanismes d’alerte. Les chaînes de paiement multi-juridictionnelles exigent une traçabilité renforcée et une attention aux juridictions à haut risque.
Banque de détail : focus sur fraude monétique, espèces, remittances, clients vulnérables. CIB : structures complexes, trade finance, paiements transfrontières. Assurances : rachat partiel/total, bénéficiaires, surrenders atypiques. Gestion d’actifs : souscriptions/rachats, délégations, distribution. Paiements/EME : onboarding non présentiel, flows instantanés, PSP chain. Crypto : Travel Rule, VASP/VASP, chain analytics.
Le rapport propose une vision resserrée des indicateurs utiles : stocks et délais KYC, taux d’EDD, PEP actives, alertes par scénario, ratio faux positifs, délais de traitement, taux de déclaration TRACFIN, incidents de gel, qualité des données, actions correctrices et leur clôture. Les comités exécutifs exigent un narratif court et probant, relié aux risques principaux.
Les enseignements 2024 confirment que les sanctions (administratives et pénales) ciblent des failles structurelles : KYC incomplets, EDD insuffisantes, absence de traçabilité, monitoring inadéquat, délais de traitement trop longs, inefficience du gel des avoirs. Les plans de remédiation performants démontrent des résultats mesurables, une gouvernance resserrée et une priorisation alignée sur les risques.
Le rapport anticipe la convergence portée par AMLA, l’élévation des standards de données et l’intensification des échanges avec les FIU. Les établissements sont invités à « prouver par la donnée » : dispositifs mesurables, explicables et adaptables, capables de résister aux revues thématiques et inspections sur pièces.
Le Rapport 2024 sur le dispositif LCB-FT dessine un cap : mettre la donnée et l’accountability au cœur, relier cartographie, KYC et monitoring, renforcer sanctions/embargos, accélérer l’industrialisation de la qualité et de la traçabilité, tout en maintenant une gouvernance vivante et pragmatique.

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