Harcèlement moral : les modalités de l’enquête interne doivent garantir indépendance et impartialité
En matière de harcèlement moral, la Cour de cassation impose aux employeurs une exigence d’impartialité renforcée dans la conduite des enquêtes internes, en témoigne cet arrêt du 14 mai 2025 (Cass. Soc., 14 mai 2025, n° 24-13.314). Saisi d’une problématique de harcèlement, le juge doit vérifier si l’enquête n’a pas été confiée à la personne mise en cause, ce qui exposerait l’entreprise à un risque de condamnation.
Enquête interne : un défaut d’impartialité lourd de conséquences
En l’espèce, une salariée, en congé maternité puis arrêt maladie prolongé, a pris acte de la rupture de son contrat, invoquant un harcèlement moral par sa supérieure hiérarchique. Elle saisit le Conseil de prud’hommes pour obtenir la requalification de cette rupture. Devant la cour d’appel, l’employeur faisait valoir qu’une enquête avait été menée mais que celle-ci avait atteint ses limites dès lors que la salariée avait refusé d’être entendue. La cour d’appel avait donc débouté la salariée de ses demandes fondées sur le harcèlement moral. L’intéressée se pourvoit en cassation en contestant les modalités de l’enquête. En effet, celle-ci avait été confiée… à la supérieure hiérarchique elle-même mise en cause.
La Cour de cassation impose une analyse complète et impartiale
Aux termes de cet arrêt du 14 mai 2025, la Cour de cassation rappelle les exigences en matière de harcèlement moral :
– Le juge doit examiner tous les éléments invoqués, y compris les documents médicaux, pour apprécier si, pris dans leur ensemble, ceux-ci ne présument pas de l’existence d’un harcèlement,
– L’enquête interne ne peut être confiée à la personne désignée comme harceleuse : cette situation compromet l’objectivité de l’analyse et invalide la position de l’employeur.
Un message clair : l’enquête relative au signalement doit être menée en toute objectivité et indépendance
Cette décision confirme que toute enquête menée à l’égard de faits allégués de harcèlement doit être menée de manière objective, impartiale et indépendante. Ces exigences, rappelées également par le Défenseur des droits dans sa décision-cadre du 5 février 2025, supposent en premier lieu de confier l’enquête à une personne autre que celle mise en cause par le signalement. Cette exigence, qui pourrait aller de soi, a toutefois pour conséquence de complexifier l’enquête interne dès lors que les ressources humaines sont de plus en plus mises en cause, aujourd’hui, par les salariés au même titre que leur hiérarchie directe. La situation conduit donc à légitimer le recours à un avocat ou un cabinet extérieur spécialisé pour mener les enquêtes internes en matière de harcèlement. Ces tiers indépendants sauront nécessairement prendre en compte les faits avec l’objectivité, la traçabilité et la compétence méthodologique propres à sécuriser le processus. L’arrêt du 14 mai 2025 souligne l’impératif de neutralité dans les enquêtes internes. Il offre aux employeurs un fondement clair pour externaliser les enquêtes sensibles, en particulier dans les cas de mise en cause d’un supérieur hiérarchique. Une stratégie de prévention qui devient aussi une stratégie contentieuse.
Quelques pistes pour l'intégration opérationnelle dans votre dispositif :
– Confier les enquêtes à des tiers indépendants pour garantir l'impartialité.
– Former les responsables RH sur les exigences légales en matière d'enquêtes internes.
– Mettre en place des procédures claires pour la gestion des signalements de harcèlement.
– Assurer une documentation rigoureuse de toutes les étapes de l'enquête.
– Sensibiliser l'ensemble du personnel aux enjeux du harcèlement moral et des enquêtes internes.
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