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Devoir de vigilance : l’Allemagne ne soutiendra pas la directive de l’UE

Les libéraux allemands ont confirmé que l’Allemagne s’abstiendrait lors du vote portant sur la proposition de l’UE relative à une loi sur le devoir de vigilance des entreprises qui rendrait les entreprises responsables des violations des droits humains tout le long de leurs chaînes d’approvisionnement. L’obtention d’une majorité pour ce vote devrait à présent reposer sur la position qui sera adoptée par l’Italie.


La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD) a été sévèrement critiquée par des représentants du monde des affaires, car elle pourrait entraîner des charges administratives additionnelles alors que l’UE et les gouvernements nationaux cherchent justement à réduire la bureaucratie.


Les ministres du Parti libéral-démocrate allemand (FDP, Renew) ont confirmé que l’Allemagne s’abstiendrait de voter sur la loi, ce qui, dans la procédure de vote au niveau de l’UE, équivaut de facto à voter contre celle-ci.


« Le ministère fédéral des Finances et le ministère fédéral de la Justice ont mené des discussions approfondies à propos du résultat du trilogue portant sur le projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité », ont écrit les ministres FDP Christian Lindner et Marco Buschmann dans une lettre adressée aux associations d’entreprises.


« Les deux chambres ne peuvent pas approuver le résultat. Au Conseil de l’UE, cela se traduit par une abstention de l’Allemagne, ce qui équivaut à un vote contre », ont-ils ajouté.


Pourtant, l’Allemagne soutient la création de cette législation européenne depuis le départ. Elle a cependant exprimé des inquiétudes, car elle souhaitait éviter que les entreprises, en particulier les PME, ne soient soumises à une charge excessive.


Lorsque la loi a été adoptée par les États membres de l’UE en 2022, l’Allemagne a présenté une note diplomatique dans laquelle elle appelle à une disposition « de sécurité » qui permettrait aux entreprises de réduire plus facilement leur responsabilité juridique.


« Le résultat du trilogue conduirait à ce que les entreprises soient responsables en droit civil et dans une large mesure des manquements aux obligations [légales qui interviendraient] dans la chaîne d’approvisionnement », écrivent les ministres.


Tout en reconnaissant certains « succès partiels pour rendre les règles de responsabilité plus praticables » au cours des négociations, le projet de loi de l’UE irait encore au-delà de ce qui est établi dans une loi allemande similaire, la loi sur la chaîne d’approvisionnement (Lieferkettengesetz), ont-ils ajouté.


« Le régime de responsabilité représente une charge plus importante par rapport à la loi allemande […], qui ne contient pas de régime de responsabilité, et ferait peser une charge supplémentaire sur les entreprises concernées », ont écrit les ministres.


Une situation familière


L’abstention de l’Allemagne signifie probablement que l’adoption finale de la loi dépend maintenant de la position de l’Italie, et les spéculations sur ce que Rome pourrait finalement décider se sont multipliées ces dernières semaines.


Si l’Allemagne s’abstenait, l’Italie ferait de même, rapportait le quotidien allemand Handelsblatt en janvier, ajoutant qu’il n’y aurait alors pas la majorité requise pour l’adoption de la loi.


Parmi les États membres, une large majorité dite « qualifiée » est nécessaire, ce qui signifie que 55 % des États membres, représentant au moins 65 % de la population de l’UE, doivent voter en faveur de la loi.


Certains pays plus petits, comme la Suède, la Finlande, la République tchèque et l’Estonie, ont par le passé exprimé leurs préoccupations sur la législation et pourraient donc également s’opposer à l’accord.


Cette situation rappelle un cas similaire l’année dernière, où l’abstention de dernière minute de l’Allemagne concernant l’élimination de facto des voitures à moteur à combustion interne, qui fait partie des nouvelles normes de l’UE en matière de CO2 pour les voitures, a été provisoirement stoppée après que Berlin s’est étonnamment abstenue alors qu’elle s’était précédemment déclarée en faveur de l’accord.


En ce qui concerne les normes de CO2 pour les voitures, l’Italie a également voté contre et, avec quelques pays plus petits, est parvenue à bloquer l’adoption finale du texte.


La situation n’a pu être débloquée que lorsque la Commission européenne a conclu un accord avec l’Allemagne, s’engageant à autoriser les voitures à moteur à combustion interne après 2035 à condition que celles-ci fonctionnent uniquement avec des carburants de synthèse, qui sont des carburants décarbonés.


Pas de surprise


Toutefois, contrairement à la saga des carburants de synthèse, l’abstention allemande concernant la loi sur le devoir de vigilance était déjà attendue, d’autant plus que le FDP allemand fait actuellement campagne pour les élections européennes en promettant de réduire la bureaucratie de l’UE.


À Bruxelles, « personne n’est surpris », a déclaré un diplomate de l’UE.


Un vote sur la directive sur le devoir de vigilance des entreprises au niveau des ambassadeurs de l’UE est prévu vendredi prochain (9 février), ce qui est « encore loin », a déclaré un autre diplomate. En outre, l’Allemagne n’a pas encore officiellement annoncé sa position de vote, a-t-il noté.

Le ministère du Travail et des Affaires sociales, dirigé par Hubertus Heil, du Parti social-démocrate (SPD, Socialistes et Démocrateseuropéens), qui mène les négociations pour l’Allemagne, est très favorable à la loi.


Si le gouvernement allemand ne parvient pas à un accord formel avant le 9 février, les règles internes de la coalition gouvernementale prévoient une abstention automatique du pays.


Toutefois, il est peu probable que des changements puissent encore être apportés à l’accord final, car l’accord conclu lors des négociations interinstitutionnelles (les fameux « trilogue ») en décembre était une « fragiles », selon le premier diplomate.


Le temps presse, car les travaux législatifs devraient bientôt se terminer au niveau de l’UE, le Parlement européen tenant sa dernière séance plénière en avril, en prévision des élections européennes de juin prochain.


Par : Jonathan Packroff 

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