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2024 – Tendance #7 – L’éthique, clef de voûte des organisations ?

La tendance qui mènera à ce que ces acteurs soient de plus en soumis à des obligations de conformité devrait portant s’affermir rapidement. Il est vrai que malgré leur taille ou leur statut ils n’en sont pas moins porteurs de risques importants. Par cascade des obligations reposant sur les grandes entreprises et face aux exigences sociétales, un certain nombre d’acteurs partenaires de ces dernières ont déjà adopté des politiques dédiées. Cela devrait s’accentuer considérablement prochainement.


Le nombre de moyennes entreprises qui échapperont encore encore aux seuils d’application des réglementations de conformité devrait ainsi se réduire. En précisant les modalités de mise en place d’un dispositif d’alerte interne, la loi Waserman a rappelé l’existence du seuil légal pour ce faire : 50 salariés à la clôture de deux exercices. Par ailleurs, l’accord trouvé entre le Parlement et la Commission Européenne sur un projet de directive visant à obliger les entreprises de plus de 500 salariés et 150 millions de chiffre d’affaire – voir 250 salariés et 40 millions de chiffre d’affaires pour les secteurs dits à risque – à réaliser des due diligence sur l’ensemble de leurs relations commerciales amont et une partie de celles en aval devrait logiquement conduire à nombre croissant de petites et moyennes entreprises à se soumettre aux exigences environnemental, sociétal et de gouvernance des grandes entreprises.


Cette tendance devrait également concerner les acteurs publics français – grandes communes, établissements publics, départements, … – qui, bien qu’ils fassent déjà l’objet d’obligations – désignation d’un référent déontologue, mise en place d’un dispositif d’alerte notamment – sont encore rares à s’y être conformés. Soumises pour une partie d’entre elles à la loi Waserman, les communes comme les autres acteurs publics, à l’exception de certains offices ou entreprises publiques locales, ne sont en revanche pas concernées par l’article 17 de la loi Sapin II. L’absence d’obligation légale de se doter de systèmes de management de lutte contre la corruption prive l’Agence Française Anticorruption (AFA) de tout moyen de contrainte et borne cette dernière à prononcer des injonctions le cas échéant. A titre d’exemple, l’AFA évalue, dans son enquête de 2022, que si 14,4% des acteurs publics déclarent avoir eu à traiter des atteintes à la probité, seuls 24,7% déclarent avoir adopté un code de conduite, 19,3% avoir déployé un dispositif d’alerte interne, 12,4% évalué leurs tiers. Si les départements apparaissent comme de relatifs bon élèves – 26,7% d’entre eux ont réalisé un cartographie des risques – les communes, moins bien pourvues en ressources, affichent des résultats étonnants : seules 1,7% d’entre elles déclarent avoir réalisé l’exercice de cartographie !


Dans ce contexte, les propositions visant à l’adoption d’une loi Sapin III, dont le livre blanc publié par l’Observatoire de l’Éthique Publique en septembre 2023, se concentrent majoritairement sur le renforcement des obligations à destination des acteurs publics – la France restant 20ème du classement 2023 de l’Indice de Perception de la corruption établi par Transparency International. Tout aussi significatif, la consultation publique lancée le 19 octobre 2023 par l’AFA et visant à l’établissement d’un plan national de lutte contre la corruption pour 2024-2027 fait la part belle à la lutte contre les atteintes à la probité dans le secteur public. Concordants, ces signaux tendent à démontrer l’accélération rapide que devrait connaitre le déploiement de politiques d’éthique dans les entités publiques.


Plus largement, l’ensemble des organisations composant la société civile semblent devoir prochainement intégrer une réflexion éthique à leur fonctionnement. Parue en février 2023, une tribune cosignée par Yves d’Hérouville, président de l’Institut des Dirigeants d’Association et de Fondations (IDAF), rappelle ainsi « l’importance de l’éthique dans le secteur associatif » particulièrement au regard des risques de conflits d’intérêts dans ces structures, des problématiques liées à l’éthique du travail (harcèlement, discrimination, respect des personnes) et de l’évaluation des relations avec les tiers au regard de critères socio-environnementaux.


Particulièrement exposées, nombre de fédérations sportives, dont le statut relève généralement du statut associatif, se sont malheureusement distinguées à ce titre : affaires de corruption retentissantes au sein de la fédération internationale de football (FIFA), soupçons de faits similaires à la fédération française de tennis, accusations de harcèlements dans de nombreuses disciplines, remise en question de l’impact environnemental des compétitions…


Le monde du sport par son exposition médiatique, les flux financiers qu’il entraîne et les fantasmes qu’il véhicule, accumule les risques comme les critiques. Or, le degré de maturité des instances qui le font vivre semble très largement perfectible. Lors de son procès pour corruption, Bernard Laporte, ex-président de la fédération française de rugby avait ainsi reconnu « ne pas avoir lu, mais avoir entendu parler » de la charte d’éthique et de déontologie du sport français. De la même manière, malgré l’obligation de se doter de comités d’éthique, certaines fédérations françaises n’en sont toujours pas pourvues lorsque certains, officiellement constitués, s’avèrent en réalité totalement inopérants.


Dans ce contexte, les initiatives et appels à encadrer le secteur sportif plus fermement se multiplient. En France, le Comité national pour le renforcement de l’éthique et de la vie démocratique dans le sport a rendu un rapport attendu le 7 décembre 2023. Démocratisation de la gouvernance, renforcement de la transparence financière, renforcement des pouvoirs dédiés aux comités d’éthique fédéraux, création d’un comité d’éthique du mouvement du sport français, plan de lutte contre les discriminations et le harcèlement, formation des dirigeants aux enjeux d’éthique et d’intégrité… Ces propositions, soutenues par la ministre des Sport, Amélie Oudéa-Castéra devraient aboutir à initiative législative d’ici la fin d’année 2024.


A l’échelle internationale, les propositions de création d’une autorité administrative mondiale en charge de la lutte contre les atteintes à la probité dans le secteur sportif continuent, pour l’instant, de se heurter au principe d’« autonomie » du sport international qui le préserve aujourd’hui de toute ingérence de la part des gouvernements. Ici encore des experts avertissent : « La question n’est plus de savoir s’il faut ou non une institution pour réguler le sport, l’urgence est d’en déterminer les modalités »


D’abord développées et restreintes aux seules grandes entreprises, les politiques d’éthique et conformité semblent désormais en passe de se démocratiser et d’être plus largement adoptées par les petites et moyennes entreprises, les acteurs publics et le secteur associatif. Toutes ces structures sont en effet exposées aux revendications de la société civile comme aux exigences de conformité des grandes sociétés multinationales et se doivent donc de créer et d’entretenir les conditions de la confiance avec leurs parties prenantes. Un mouvement qui pourrait mettre un terme à cette tendance qui avait fini par faire des grandes entreprises les acteurs plus avancés sur ces sujets ?

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