Tendances du droit pénal environnemental en France

Christophe BARDY - GRACES community
9/7/2025
Propulsé par Virginie
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Les tendances en matière de Droit pénal de l’environnement et de devoir de vigilance en France


I. Un assouplissement des dispositions normatives européennes et un vœu politique de suppression du devoir de vigilance au nom de la compétitivité

La compétitivité des entreprises s’est invitée dans l’édifice normatif européen s’agissant de leur responsabilité sociale et environnementale. Ainsi et afin de répondre à un besoin de réduction des charges administratives pesant sur les entreprises tout en respectant l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, la Commission Européenne a adopté un nouvel ensemble de propositions législatives dit “omnibus” portant modification de plusieurs textes européens liés à la mise en œuvre du Green Deal et visant à simplifier les normes pesant sur les entreprises.

Un report proposé pour les CSSD et CRSD

Elle a d’abord formulé des propositions en vue de reporter le délai d’entrée en vigueur de la Corporate sustainability due diligence directive (CSSD) d’une année et de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CRSD) de deux années afin de laisser davantage de temps aux entreprises pour se conformer aux nouvelles exigences européennes. Elle a en outre exposé d’autres propositions législatives tendant à un allègement du devoir de vigilance via la réduction de son champ d’application aux seuls partenaires commerciaux directs, de la fréquence des contrôles imposés aux entreprises ou encore l’allègement des contraintes exigées dans le cadre de l’élaboration de la cartographie de la chaîne des valeurs. La Commission Européenne propose également une réduction importante du champ d’application de la directive “CSRD” relative à l’information en matière de durabilité des grandes entreprises afin d’exempter 80% des entreprises actuellement concernées par l’application de cette directive. Il en va de même concernant l’application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières dit “MACF”, Bruxelles souhaitant qu’elle ne s’applique plus aux “plus petits importateurs”. A ce jour, les propositions portant sur le report de l’entrée en vigueur des directives CSSD et CRSD ont fait l’objet d’un examen en urgence par le Parlement européen et le Conseil européen, et ont été respectivement adoptées les 26 mars et 14 avril 2025. Les propositions législatives relatives à la simplification des normes environnementales feront quant à elles l’objet d’un examen ultérieur, sans qu’aucune date n’ait encore été annoncée à ce jour. Pour certains, ces assouplissements textuels ne semblent toutefois pas suffisants pour satisfaire la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises européennes. C’est d’ailleurs cette notion qui a mené à la fois le chancelier allemand, Friedrich Merz, et le Président français, Emmanuel Macron, a évoquer la suppression pure et simple de la directive “CSRD”.


II. Un renforcement normatif européen de la répression des atteintes environnementales

Dans un mouvement contraire à celui qu’elle adopte s’agissant du devoir de vigilance, l’Union Européenne a renforcé son arsenal normatif applicable aux atteintes environnementales via l’adoption de la directive 2024/1203 “relative à la protection de l’environnement par le droit pénal”, laquelle doit faire l’objet d’une transposition avant le 21 mai 2026 par les États membres. Cette directive opère en effet une refonte majeure de la directive 2008/99/CE jusqu’alors applicable, considérée comme lacunaire et relativement inefficace en raison de l’absence de cadre contraignant. Une directive européenne à transposer avant mai 2026 Afin d’y remédier, la nouvelle directive élargit d’abord substantiellement le champ de répression des infractions environnementales par : la définition de 20 infractions en matière environnementale contre seulement 9 aujourd’hui l’introduction des infractions dites “autonomes” la consécration des infractions “qualifiées”, lesquelles constituent des atteintes d’une particulière gravité à l’environnement. la fixation de quantums de peine d’amendes pour les personnes morales et d’emprisonnement pour les personnes physiques applicables aux infractions environnementales Cela représente autant d’éléments supposant de la part des États membres une certaine refonte de leur législation nationale applicable aux atteintes à l’environnement. Le texte fixe néanmoins des critères relativement souples afin de leur permettre, possiblement, d’opter pour un cadre normatif plus contraignant.


III. Un contentieux national sur le droit de l’environnement et le devoir de vigilance en plein essor

Les règlements de différends en matière de devoir de vigilance connaissent un certain essor, comme en témoignent les différentes décisions rendues par les juridictions en la matière. Un recours à la médiation inédit annonciateur d’une évolution de la pratique Considérant que l’absence de stratégie claire de “déplastification” de Danone dans son plan de vigilance constituait un manquement à son devoir de vigilance, Client Earth, Surfrider Foundation Europe et Zero Waste France ont mis la société en demeure devant le tribunal judiciaire de Paris en janvier 2023. Or, dans une décision inédite, la juridiction a ordonné la tenue d’une médiation qui a finalement abouti à la conclusion d’un accord, le 17 février 2025. Danone et les trois ONG ont ainsi annoncé avoir trouvé un accord mettant fin au litige, dans lequel la société s’est engagée sur quatre points, parmi lesquels le renforcement de sa politique d’atténuation et de prévention des risques liés à l’usage du plastique et la tenue de réunions annuelles avec la coalition d’ONG durant trois années. Le caractère inédit de cette procédure de règlement amiable ouvre la voie à une évolution de la pratique contentieuse en la matière. Le 13 février 2025, la chambre spécialisée sur le devoir de vigilance du Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision déboutant les syndicats Fédération Transports et Environnement et Union Fédérale Cheminot de leur action à l’encontre de la SNCF. Les syndicats avaient en effet demandé au Tribunal judiciaire d’enjoindre la SNCF de mettre à jour son plan de vigilance et notamment sa cartographie des risques sociaux et environnementaux. Le Tribunal judiciaire a écarté la demande expliquant notamment que les syndicats n’identifiaient pas de manière précise et concrète “les risques et les atteintes graves à prévenir sur l’environnement, sur la santé ou la sécurité des personnes par rapport à la cartographie des risques du plan de vigilance SNCF”. Plus récemment, le 17 juin 2025, la chambre 5-12 de la Cour d’appel de Paris spécialisée en matière de devoir de vigilance a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 5 décembre 2023, qui avait enjoint à La Poste de revoir substantiellement son plan de vigilance, en faisant la première entreprise française condamnée au titre de la loi sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017. La Cour d’appel a rappelé l’importance de la cartographie des risques pour l’identification, l’analyse et la hiérarchisation des risques nécessaires à la détermination ultérieure des actions de prévention des atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales. Elle a ainsi relevé que la cartographie du plan de vigilance mis en œuvre par La Poste, en l’espèce, ne remplissait pas cet objectif du fait de son trop haut niveau de généralité. Elle a enfin souligné le besoin d’une vraie concertation avec les organisations syndicales représentatives s’agissant de l’établissement du mécanisme d’alerte et de recueil des signalements ; concertation dont La Poste ne rapportait pas la preuve échéante. Onze CJIP environnementales, aux amendes croissantes A côté de ce contentieux sur le devoir de vigilance, le contentieux judiciaire en matière d’atteintes à l’environnement connaît également une certaine activité comme en témoignent les onze CJIP environnementales conclues durant ces douze derniers mois. Les parquets non spécialisés n’hésitent plus à se saisir de cet outil dans la mise en œuvre de leur politique pénale environnementale à proposer des peines d’amendes de plus en plus importantes, comme l’illustre l’amende record de 2 millions d’euros prévue dans la CJIP environnementale conclue entre le Parquet d’Epinal et la SAS Nestlé Waters Supply Est (NWSE) le 12 septembre 2024.


Quelques pistes pour l'intégration opérationnelle dans votre dispositif :

- Évaluer et ajuster les plans de vigilance pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires.

- Renforcer la cartographie des risques en collaboration avec les parties prenantes internes et externes.

- Mettre en place des mécanismes de médiation pour résoudre les différends liés au devoir de vigilance.

- Surveiller les évolutions législatives européennes pour anticiper les changements réglementaires.

- Former les équipes sur les nouvelles directives et obligations en matière de conformité environnementale.

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