
L’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a publié son rapport final et les lignes directrices révisées sur le traitement des entreprises liées dans le cadre de la revue de Solvabilité II. Cette mise à jour clarifie la définition opérationnelle des « entreprises liées », aligne les pratiques de marché, renforce la gouvernance prudentielle et précise les obligations de transparence en matière de fonds propres, de concentration de risques et de transactions intragroupe. L’objectif : assurer une évaluation cohérente des liens juridiques, économiques et opérationnels qui influencent le profil de risque et la solvabilité des organismes d’assurance et de réassurance dans l’UE.
La révision consolide l’interprétation des entreprises « mères », « filles », « entreprises placées sous direction commune », « participations » et « entreprises influencées de manière notable ». Elle fournit des critères indicatifs et cumulatifs pour caractériser un lien pertinent pour Solvabilité II : (i) contrôle juridique (droit de nommer/révoquer une majorité des dirigeants, droits de vote, accords d’actionnaires), (ii) contrôle de fait (capacité d’influencer de manière dominante les décisions stratégiques), (iii) dépendance opérationnelle ou financière (services critiques, cash pooling, garanties), et (iv) exposition économique significative. Ces critères s’appliquent aux structures d’assurance, de réassurance, aux holdings d’assurance et aux entités financières mixtes, y compris lorsque les liens passent par des véhicules intermédiaires.
Les lignes directrices précisent le rattachement des entreprises liées au périmètre de supervision de groupe, à l’identification de la tête de groupe, aux exemptions de consolidation et aux exigences d’information du superviseur de groupe. La documentation attendue doit démontrer la traçabilité des liens, décrire les mécanismes de contrôle interne et justifier les décisions d’inclusion/exclusion dans le périmètre, notamment pour les entités non réglementées mais matériellement risquées pour le groupe.
La révision renforce les attentes sur la qualité, la disponibilité et le transfert effectif des fonds propres au sein des groupes. Les entreprises doivent démontrer que les instruments de capital émis au sein du groupe restent pleinement disponibles pour absorber les pertes, compte tenu des barrières juridiques, réglementaires, contractuelles ou pratiques. Les limites d’éligibilité et la classification des fonds propres tiennent compte des restrictions nationales, des clauses d’activation et des dépendances de liquidité intragroupe.
Les lignes directrices précisent les exigences applicables aux transactions intragroupe (réassurance interne, prêts, garanties, prestations de services, transferts d’actifs) : gouvernance renforcée, prix de transfert conforme au marché, démonstration du bénéfice prudentiel, suivi des expositions et scénarios de défaillance. La réassurance intragroupe doit être évaluée avec une vision économique, en intégrant les clauses de résiliation, de collatéralisation et les délais d’exécution.
Les groupes doivent cartographier les concentrations par contrepartie, secteur, juridiction et nature d’instrument, y compris lorsqu’elles émergent via des entreprises liées non consolidées. Les mécanismes de contagion (garanties croisées, covenants, services partagés, dépendance IT) doivent faire l’objet de limites internes, d’early warnings et de playbooks de remédiation.
Les attentes portent sur l’ORSA, le SFCR/RSR et les QRT de groupe : expliciter les hypothèses sur les liens, les barrières au transfert de capital, les effets des transactions intragroupe et les sensibilités. La granularité attendue doit permettre au superviseur de réconcilier la structure juridique et le profil de risque économique.
Les entreprises doivent adopter une politique dédiée aux entreprises liées : critères d’identification, seuils de matérialité, processus d’approbation, documentation, rôle des fonctions clés (risques, actuariat, conformité, audit interne), tests indépendants et revues périodiques. Les contrôles incluent la validation du périmètre de groupe, la vérification des clauses contractuelles, l’indépendance des administrateurs et la robustesse des arrangements opérationnels.
Un référentiel central des entités et des liens (juridiques et de fait) est attendu : identifiants harmonisés, attributs de contrôle, pourcentage de détention, pouvoirs, dépendances de services, canaux financiers, engagements, garanties. La mise à jour doit être événementielle et périodique, avec des contrôles de qualité de données et des rapprochements avec la consolidation et les états réglementaires.
La proportionnalité s’apprécie au regard de la complexité du groupe, du risque de contagion et des barrières de transfert. Les cas particuliers incluent les joint-ventures, les participations minoritaires avec influence notable, les entités non réglementées, les SPV/SE, les services externalisés critiques, les arrangements IT partagés et les plateformes de cash pooling.
Les fonctions conformité doivent piloter la mise à jour des politiques et procédures, orchestrer les contrôles de second niveau, contribuer à l’ORSA sur les aspects de gouvernance et de transferts intragroupe, et coordonner la réponse aux autorités de contrôle. La traçabilité documentaire et la cohérence inter-reportings (groupe, solo, SFCR/RSR) sont essentielles.
Une trajectoire cible combine : (i) diagnostic du périmètre et des liens, (ii) cartographie des transactions intragroupe et des barrières, (iii) révision des politiques et seuils, (iv) renforcement des limites et du suivi des concentrations, (v) mise à niveau des QRT/SFCR/RSR et de l’ORSA, (vi) testing et assurance indépendante.
Les lignes directrices révisées d’EIOPA harmonisent et clarifient le traitement prudentiel des entreprises liées sous Solvabilité II. Elles exigent une gouvernance plus robuste, une transparence accrue et une démonstration rigoureuse de la disponibilité des fonds propres et du contrôle des risques intragroupe. Les assureurs et réassureurs doivent adapter sans délai leurs politiques, leurs référentiels d’entités et leurs reportings pour répondre aux attentes de supervision de groupe.

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