Solvabilité II : traitement des entreprises liées

Christophe BARDY - GRACES community
9/12/2025
Propulsé par Virginie
Cet article est réservé aux membres GRACES.community

Solvabilité II : Lignes directrices révisées sur le traitement des entreprises liées (EIOPA, 2025)


Contexte et portée de la révision

L’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a publié son rapport final et les lignes directrices révisées sur le traitement des entreprises liées dans le cadre de la revue de Solvabilité II. Cette mise à jour clarifie la définition opérationnelle des « entreprises liées », aligne les pratiques de marché, renforce la gouvernance prudentielle et précise les obligations de transparence en matière de fonds propres, de concentration de risques et de transactions intragroupe. L’objectif : assurer une évaluation cohérente des liens juridiques, économiques et opérationnels qui influencent le profil de risque et la solvabilité des organismes d’assurance et de réassurance dans l’UE.


Définitions clés et périmètre des « entreprises liées »

La révision consolide l’interprétation des entreprises « mères », « filles », « entreprises placées sous direction commune », « participations » et « entreprises influencées de manière notable ». Elle fournit des critères indicatifs et cumulatifs pour caractériser un lien pertinent pour Solvabilité II : (i) contrôle juridique (droit de nommer/révoquer une majorité des dirigeants, droits de vote, accords d’actionnaires), (ii) contrôle de fait (capacité d’influencer de manière dominante les décisions stratégiques), (iii) dépendance opérationnelle ou financière (services critiques, cash pooling, garanties), et (iv) exposition économique significative. Ces critères s’appliquent aux structures d’assurance, de réassurance, aux holdings d’assurance et aux entités financières mixtes, y compris lorsque les liens passent par des véhicules intermédiaires.


Alignement avec le périmètre prudentiel et la supervision de groupe

Les lignes directrices précisent le rattachement des entreprises liées au périmètre de supervision de groupe, à l’identification de la tête de groupe, aux exemptions de consolidation et aux exigences d’information du superviseur de groupe. La documentation attendue doit démontrer la traçabilité des liens, décrire les mécanismes de contrôle interne et justifier les décisions d’inclusion/exclusion dans le périmètre, notamment pour les entités non réglementées mais matériellement risquées pour le groupe.


Fonds propres, éligibilité et transferts intragroupe

La révision renforce les attentes sur la qualité, la disponibilité et le transfert effectif des fonds propres au sein des groupes. Les entreprises doivent démontrer que les instruments de capital émis au sein du groupe restent pleinement disponibles pour absorber les pertes, compte tenu des barrières juridiques, réglementaires, contractuelles ou pratiques. Les limites d’éligibilité et la classification des fonds propres tiennent compte des restrictions nationales, des clauses d’activation et des dépendances de liquidité intragroupe.


Transactions intragroupe, réassurance et dépendances critiques

Les lignes directrices précisent les exigences applicables aux transactions intragroupe (réassurance interne, prêts, garanties, prestations de services, transferts d’actifs) : gouvernance renforcée, prix de transfert conforme au marché, démonstration du bénéfice prudentiel, suivi des expositions et scénarios de défaillance. La réassurance intragroupe doit être évaluée avec une vision économique, en intégrant les clauses de résiliation, de collatéralisation et les délais d’exécution.


Concentration de risques et contagion

Les groupes doivent cartographier les concentrations par contrepartie, secteur, juridiction et nature d’instrument, y compris lorsqu’elles émergent via des entreprises liées non consolidées. Les mécanismes de contagion (garanties croisées, covenants, services partagés, dépendance IT) doivent faire l’objet de limites internes, d’early warnings et de playbooks de remédiation.


Reporting et transparence

Les attentes portent sur l’ORSA, le SFCR/RSR et les QRT de groupe : expliciter les hypothèses sur les liens, les barrières au transfert de capital, les effets des transactions intragroupe et les sensibilités. La granularité attendue doit permettre au superviseur de réconcilier la structure juridique et le profil de risque économique.


Gouvernance : politiques, seuils et contrôles

Les entreprises doivent adopter une politique dédiée aux entreprises liées : critères d’identification, seuils de matérialité, processus d’approbation, documentation, rôle des fonctions clés (risques, actuariat, conformité, audit interne), tests indépendants et revues périodiques. Les contrôles incluent la validation du périmètre de groupe, la vérification des clauses contractuelles, l’indépendance des administrateurs et la robustesse des arrangements opérationnels.


Données, traçabilité et cartographie

Un référentiel central des entités et des liens (juridiques et de fait) est attendu : identifiants harmonisés, attributs de contrôle, pourcentage de détention, pouvoirs, dépendances de services, canaux financiers, engagements, garanties. La mise à jour doit être événementielle et périodique, avec des contrôles de qualité de données et des rapprochements avec la consolidation et les états réglementaires.


Proportionnalité et cas particuliers

La proportionnalité s’apprécie au regard de la complexité du groupe, du risque de contagion et des barrières de transfert. Les cas particuliers incluent les joint-ventures, les participations minoritaires avec influence notable, les entités non réglementées, les SPV/SE, les services externalisés critiques, les arrangements IT partagés et les plateformes de cash pooling.


Impacts pour les compliance officers

Les fonctions conformité doivent piloter la mise à jour des politiques et procédures, orchestrer les contrôles de second niveau, contribuer à l’ORSA sur les aspects de gouvernance et de transferts intragroupe, et coordonner la réponse aux autorités de contrôle. La traçabilité documentaire et la cohérence inter-reportings (groupe, solo, SFCR/RSR) sont essentielles.


Feuille de route de mise en conformité

Une trajectoire cible combine : (i) diagnostic du périmètre et des liens, (ii) cartographie des transactions intragroupe et des barrières, (iii) révision des politiques et seuils, (iv) renforcement des limites et du suivi des concentrations, (v) mise à niveau des QRT/SFCR/RSR et de l’ORSA, (vi) testing et assurance indépendante.


Conclusion

Les lignes directrices révisées d’EIOPA harmonisent et clarifient le traitement prudentiel des entreprises liées sous Solvabilité II. Elles exigent une gouvernance plus robuste, une transparence accrue et une démonstration rigoureuse de la disponibilité des fonds propres et du contrôle des risques intragroupe. Les assureurs et réassureurs doivent adapter sans délai leurs politiques, leurs référentiels d’entités et leurs reportings pour répondre aux attentes de supervision de groupe.


Quelques pistes pour l’intégration opérationnelle dans votre dispositif :

  • Établir/mettre à jour une politique « entreprises liées » avec critères, seuils, processus d’approbation et revues périodiques.
  • Construire un référentiel d’entités et de liens avec contrôles de qualité de données et rapprochements consolidation/QRT.
  • Formaliser des limites de concentration et des indicateurs d’alerte sur transactions intragroupe et dépendances critiques.
  • Documenter les barrières au transfert de capital et tester la disponibilité effective des fonds propres au niveau groupe.
  • Aligner ORSA, SFCR/RSR et QRT : hypothèses, sensibilités et scénarios de contagion clairement tracés.
Envie de lire la suite de l’article ?
Il vous reste 50% de l’article à lire
Inscrivez-vous sur GRACES.community pour profitez de toute l’actualité compliance
directement depuis votre espace Membre !
M'inscrire

Plus de 200 sociétés ont trouvé leur compliance officer avec GRACES.community,

et si c’était vous ?