Plan anticorruption 2025‑2029 : impacts et clés d’exécution

Christophe BARDY - GRACES community
4/12/2025
Propulsé par Virginie
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Plan pluriannuel de lutte contre la corruption 2025‑2029 : tournant stratégique ou simple opération de communication ?


Contexte et enjeux pour les fonctions conformité

Le « Plan pluriannuel de lutte contre la corruption 2025‑2029 » annoncé par les pouvoirs publics s’inscrit dans une trajectoire européenne et internationale de renforcement des exigences d’intégrité, de transparence et de responsabilisation des organisations. Pour les directions Conformité, Risques, Audit interne et Juridique, ce plan est susceptible d’influer directement la gouvernance, la cartographie des risques, les contrôles, la formation, la gestion des tiers et le régime des sanctions. Il intervient dans un environnement déjà structuré par Sapin II, les recommandations de l’AFA, les lignes directrices de l’OCDE et les attentes croissantes des autorités (AMF, ACPR, CNIL, ANSSI, ESMA, EBA, CSSF) en matière d’éthique, de prévention des conflits d’intérêts, de protection des données et de résilience opérationnelle.

Au‑delà de l’affichage, l’intérêt du plan se mesurera à l’aune de la précision des objectifs, de la force normative des mesures et des mécanismes de suivi. Pour les acteurs régulés, la question n’est pas de savoir s’il faut se mettre en mouvement, mais comment calibrer l’ambition de conformité anticorruption sur 2025‑2029 pour capter les attentes réglementaires, sécuriser le business et démontrer l’efficacité du dispositif.


Ce que les Compliance Officers doivent anticiper

Sans préempter les textes d’application, plusieurs axes structurants se dessinent classiquement dans ce type de plan : consolidation de la gouvernance éthique, approfondissement des cartographies des risques (y compris extra‑financiers), durcissement des exigences de due diligence tiers et M&A, renforcement des contrôles de 1re et 2e lignes, montée en puissance de l’audit interne, traçabilité numérique et conservation des preuves, qualité des données et indicateurs, dispositif d’alerte interne et protections, formation ciblée sur les fonctions exposées, ainsi que régime disciplinaire et remédiation documentée. L’intégration transverse avec LCB‑FT, sanctons internationales et sûreté des systèmes d’information est un point clé : les pratiques de corruption, de fraude, de collusion d’appels d’offres et de trafic d’influence partagent des vecteurs avec le blanchiment, les conflits d’intérêts et certains risques cyber.

La valeur du plan dépendra aussi de la métrique publique : objectifs chiffrés atteignables, calendrier, référentiel d’évaluation, reporting et pilotage national. Les entreprises devront pouvoir mapper ces exigences sur leurs propres KPI : couverture de formation, taux de due diligence tiers par criticité, délais de remédiation, tests de contrôle, efficacité des dispositifs d’alerte, et incidents avérés avec mesures correctrices.


Architecture cible d’un programme anticorruption 2025‑2029

Un dispositif robuste repose sur neuf piliers : 1) gouvernance et tone at the top ; 2) cartographie des risques multi‑dimensions ; 3) code de conduite et politiques ; 4) due diligence tiers et intégrité des chaînes d’approvisionnement ; 5) contrôles de 1re/2e ligne et surveillance continue ; 6) formation segmentée par risque ; 7) alerte interne et protection du lanceur d’alerte ; 8) cadre disciplinaire, investigations et remédiation ; 9) audit interne, indicateurs et rapportage. L’alignement avec les autres référentiels (LCB‑FT, sanctions, RGPD/CNIL, cybersécurité/ANSSI, marché/AMF‑ESMA, prudentiel/ACPR‑EBA, CSSF pour le Luxembourg) permet de rationaliser les efforts et d’éviter les redondances.


Cartographie des risques : du macro au granulaire

La cartographie doit combiner une analyse top‑down (secteurs, zones géographiques, exposition aux agents publics, types d’interactions et de flux) et bottom‑up (scénarios opérationnels, signaux faibles, incidents, retours d’enquêtes). Elle doit intégrer des facteurs d’émergence : nouveaux modèles d’affaires (plateformes, crypto, IA générative), marchés publics digitalisés, intermédiation commerciale, sponsoring et mécénat, cadeaux et invitations, lobbying, et paiements complexes. L’output attendu est un registre des risques priorisés avec contrôles clés, appétence au risque, plans de remédiation, propriétaires et échéances.


Due diligence tiers et M&A : passer de la conformité déclarative à l’évidence probante

La due diligence efficace s’appuie sur la segmentation des tiers par risque, le screening de listes, la vérification de bénéficiaires effectifs, l’analyse d’intégrité (procédures judiciaires, presse, sanctions), l’évaluation des interactions avec des agents publics, la contractualisation de clauses d’éthique, et le monitoring continu (alerting, revues périodiques, audits sur place lorsque pertinent). Les opérations de M&A et de JV doivent inclure une due diligence anticorruption renforcée et des clauses de remédiation post‑closing.


Contrôles et surveillance : du plan de contrôle au contrôle continu

Les contrôles combinent tests manuels ciblés et contrôles automatisés sur la donnée transactionnelle. Exemples : règles sur dépenses sensibles (cadeaux, hospitalités, sponsoring, intermédiaires), seuils et autorisations, séparation des tâches, analyses d’achats atypiques, revue des notes de frais, vérification des écritures comptables à risque et pattern mining. La surveillance continue et l’audit interne testent l’efficacité opérationnelle et l’ancrage culturel.


Culture, formation et canal d’alerte

Une politique « zéro tolérance » crédible suppose un tone at the top visible, des formations adaptées au rôle, des mises en situation, un canal d’alerte confidentiel et facilement accessible, et une protection effective des lanceurs d’alerte. Le traitement des signalements exige des procédures d’enquête, une documentation et une traçabilité irréprochables, ainsi qu’une communication interne responsable.


Données, protection de la vie privée et cybersécurité

Le programme anticorruption 2025‑2029 doit être data‑driven et privacy‑by‑design : qualité et minimisation des données, licéité des traitements, base légale, information, DPA, transfert hors UE, conservation, sécurité et gouvernance des accès. La sécurité opérationnelle et la résilience (ANSSI) soutiennent la fiabilité des contrôles et la confidentialité des investigations.


Indicateurs, pilotage et preuve d’efficacité

Les comités de conformité et d’éthique doivent piloter des indicateurs d’input (formations, due diligence, contrôles exécutés) et d’output (incidents, sévérité, délais de remédiation, récurrence). Les revues annuelles par l’audit interne et les évaluations indépendantes alimentent l’amélioration continue et la communication aux parties prenantes.


Conclusion : cap sur l’exécution

Qu’il marque un tournant stratégique ou non, le plan 2025‑2029 impose un alignement rapide des dispositifs. Les organisations qui prendront l’avantage seront celles qui sauront traduire les intentions en contrôles concrets, en preuves d’efficacité et en création de confiance durable.


Quelques pistes pour l’intégration opérationnelle dans votre dispositif :

• Réviser la cartographie des risques avec un focus pays/tiers/fonctions et aligner les contrôles clés en conséquence.

• Segmenter les tiers, déployer une due diligence renforcée sur les catégories à risque et industrialiser le monitoring continu.

• Mettre à jour le code de conduite, les politiques cadeaux/hospitalités/sponsoring et les procédures d’enquête et de remédiation.

• Déployer des formations ciblées par rôle et renforcer le canal d’alerte et la protection des lanceurs d’alerte.

• Mettre en place un tableau de bord d’efficacité avec KPI/KRI anticorruption et un plan d’audit interne 2025‑2029.

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