
L’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a publié son « Final Report on draft Regulatory Technical Standards (RTS) on macroprudential analyses in ORSA and PPP ». Ce rapport final précise la manière dont les organismes d’assurance et de réassurance, ainsi que les fonds de pensions professionnels (PPP/IORP), doivent intégrer des analyses macroprudentielles robustes dans leur ORSA (Own Risk and Solvency Assessment) et leurs processus de gouvernance et de planification. L’objectif est d’assurer une vision prospective des vulnérabilités systémiques et des interdépendances, au-delà des seuls risques microprudentiels, afin de renforcer la résilience du secteur face aux chocs systémiques (taux, inflation, liquidité, concentration, risques climatiques, interconnexions financières).
Ce rapport final fixe un cadre de référence pour la conduite d’analyses macroprudentielles, la documentation attendue, la matérialité, la gouvernance, ainsi que l’articulation avec les attentes des autorités de supervision nationales. Il détaille les exigences pour l’ORSA des assureurs (Solvabilité II) et, mutatis mutandis, pour les PPP, en cohérence avec les normes européennes en matière de stabilité financière et de gestion prospective des risques.
Les RTS précisent des notions centrales : (1) les « analyses macroprudentielles » couvrent l’évaluation des risques systémiques et de contagion, y compris l’impact de chocs exogènes et de dynamiques de second tour ; (2) l’« intégration dans l’ORSA » suppose que ces analyses conditionnent le profil de risque, l’appétence, le capital économique, les plans de remédiation et les tests de résistance ; (3) pour les PPP, l’alignement porte sur la soutenabilité à long terme, l’ajustement des promesses et la gestion actif-passif (ALM) dans un cadre de long terme sensible aux cycles macrofinanciers.
Les attentes opérationnelles incluent : la construction de scénarios macrofinanciers intégraux (taux, inflation, spread, immobilier, liquidité), la modélisation de corrélations dynamiques et de non-linéarités, l’analyse de concentration et d’interconnexions, l’intégration des risques climatiques (transition et physiques), la justification de la matérialité et de la fréquence des revues, la traçabilité des hypothèses et des sources, et l’utilisation effective par les instances de gouvernance (conseil, comités des risques).
Le rapport final insiste sur une gouvernance renforcée : responsabilités claires entre Risk Management, Actuariat, ALM, Finance et CIO ; validation par la seconde ligne, indépendance des revues, documentation des arbitrages et des marges d’incertitude. La matérialité doit être motivée par des indicateurs quantitatifs (sensibilités, VaR/TVaR, ratios de solvabilité, SCR/LCR internes, cash-flow matching) et qualitatifs (appétence au risque, tolérances, résilience opérationnelle). La traçabilité couvre les sources de données, les méthodes économétriques, les calibrages, l’historique des backtests et la cohérence entre plans de capital, de liquidité et de réassurance.
Les RTS attendent des scénarios stylisés et adverses : montée rapide des taux, persistance d’une inflation élevée, élargissement des spreads de crédit, correction de l’immobilier, tensions de liquidité marché, chocs climatiques (événements aigus et risques de transition), ainsi que des scénarios combinés. Les institutions doivent évaluer : (i) l’impact sur les valorisations et le capital, (ii) les effets de second tour (ventes forcées, appels de marge, boucles procycliques), (iii) la contagion via les expositions (banques, fonds, dérivés, repo/securities lending), (iv) la soutenabilité des promesses à long terme pour les PPP.
L’intégration se traduit par des plans d’actions concrets : ajustements d’ALM et de duration, revues de limites de concentration, stratégies de couverture (taux, inflation, crédit), politique de liquidité (buffers, collatéral), calibrage des mécanismes de participation aux bénéfices, revalorisation prudentielle des engagements, adaptation des produits et de la souscription, et articulation avec la réassurance. Les résultats alimentent l’appétence au risque, les tolérances, le plan de capital et les plans de continuité.
Les exigences couvrent : qualité et gouvernance des données, transparence des modèles (stress paramétriques, modèles structurels, simulateurs de bilan), validation indépendante, robustesse des hypothèses et tests de sensibilité. Les modèles doivent traiter les non-linéarités, les queues épaisses et l’agrégation avec dépendances variables, en explicitant les incertitudes et limites.
Pour les PPP, l’accent est mis sur l’horizon long, l’ALM intergénérationnel, la soutenabilité des promesses, l’impact des cycles macroéconomiques sur les taux de couverture, l’indexation et la politique de revalorisation. Les scénarios doivent refléter l’inflation de long terme, les régimes de taux, la volatilité des actifs et la tolérance aux pertes de pouvoir d’achat des bénéficiaires.
Le rapport décrit l’articulation avec les autorités nationales : transmission structurée des analyses macroprudentielles dans l’ORSA/PPP, clarté des décisions prises, justification de la matérialité et des revues, conservation des dossiers techniques et des preuves d’utilisation par la gouvernance.
Les compliance officers devront veiller à la conformité méthodologique, à l’indépendance des revues, à l’alignement avec l’appétence au risque et aux exigences de documentation. Ils contribueront à la cartographie des risques systémiques, aux politiques (concentration, liquidité, dérivés), et à la formation des comités.
Une approche graduelle est recommandée : commencer par des scénarios macro standardisés, renforcer progressivement la granularité (portefeuilles, segments, juridictions), formaliser la traçabilité et l’usage en gouvernance, et intégrer les retours des superviseurs. Les bonnes pratiques incluent la cohérence entre stress macro et plans de liquidité, la modélisation des effets de second tour, et la communication claire avec le board.
Le Final Report de l’EIOPA institue un standard élevé d’intégration macroprudentielle dans l’ORSA et les processus des PPP. Les attentes combinent rigueur méthodologique, ancrage dans la gouvernance et efficacité décisionnelle, pour renforcer la résilience du secteur face aux chocs systémiques.

Inscrivez-vous et accèdez à l’ensemble de l’actualité GRACES.Community.