
La Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) a publié une sanction administrative en date du 13 novembre 2025. Cette publication s’inscrit dans la continuité du cadre de supervision luxembourgeois visant à assurer la solidité du dispositif de conformité des établissements régulés et à garantir la protection des investisseurs, la stabilité du système financier ainsi que l’intégrité des marchés. Pour les compliance officers expérimentés, l’analyse de cette décision offre des enseignements opérationnels concrets en matière de gouvernance, de contrôle interne, de LCB-FT, de reporting réglementaire, de gestion des risques et de conformité au corpus réglementaire européen et luxembourgeois.
Cette synthèse vise à éclairer les axes de contrôle les plus sensibles pour la CSSF, les implications pratiques pour vos dispositifs de compliance et les mesures correctrices attendues par l’autorité lorsqu’un manquement est constaté. Elle s’adresse prioritairement aux banques, entreprises d’investissement, PSF, sociétés de gestion, gestionnaires AIFM/UCITS, prestataires de services de paiement, émetteurs cotés et tout acteur assujetti aux lois luxembourgeoises supervisées par la CSSF.
La CSSF fonde classiquement ses décisions de sanction sur les exigences issues des lois luxembourgeoises transposant les cadres européens (MiFID II/MiFIR, UCITS/AIFMD, CRD/CRR, PSD2, MAR, AMLD), ainsi que sur les règlements délégués, circulaires et FAQs émis par l’autorité. À titre de rappel opérationnel, les chantiers suivants demeurent des priorités de supervision : gouvernance (composition et rôle du conseil, indépendance des fonctions de contrôle, cartographie des risques), contrôle interne (permanent et périodique, plans de contrôle, suivi des recommandations), LCB-FT (KYC, CDD renforcée, monitoring des transactions, filtrage des sanctions/embargos), protection des investisseurs (information claire, suitability/appropriateness, gestion des conflits d’intérêts), intégrité des marchés (prévention des abus de marché, gestion de l’information privilégiée, listes d’initiés), reporting prudentiel et de transaction (qualité, complétude, délais), externalisation (due diligence, contrats, performance et exit plan), ICT et résilience opérationnelle (sécurité, continuité, gestion des incidents), ainsi que données personnelles en articulation avec le RGPD lorsque pertinent.
La publication de la sanction du 13 novembre 2025 par la CSSF rappelle trois messages constants pour les assujettis : premièrement, l’autorité attend une gouvernance réellement effective où le conseil/dirigeants clés démontrent une supervision active des risques de conformité et un challenge documenté des fonctions clés. Deuxièmement, la proportionnalité ne saurait justifier des lacunes fondamentales : les dispositifs doivent être adaptés au profil de risque, aux volumes et aux modèles d’affaires. Troisièmement, l’exécution opérationnelle prime : la conformité n’est pas qu’un corpus documentaire ; elle doit se traduire par des contrôles, des alertes et des remédiations traçables, avec un suivi d’efficacité.
En matière de LCB-FT, les attentes récurrentes portent sur l’actualisation des due diligences, la robustesse des scénarios de détection, l’affinage des seuils, la gestion des alertes (backlogs, délais de traitement, qualité des investigations), la documentation des décisions et les escalades au MLRO et au management. Sur la protection des investisseurs, la CSSF observe la cohérence produit-cible (target market), la qualité des évaluations d’adéquation et d’appropriation, la transparence des coûts et frais, la prévention des conflits d’intérêts et la gouvernance des incitations (inducements).
Les conseils d’administration et comités (risques, audit) doivent démontrer la maîtrise des enjeux clés : compréhension des risques de non-conformité, priorisation des plans d’actions, allocation de ressources, contrôle de l’avancement et challenge des fonctions de contrôle. Les politiques doivent être révisées annuellement, signées/approuvées et déclinées en procédures opérationnelles. Le plan de contrôle permanent couvre les processus sensibles (onboarding, revues périodiques, suitability, best execution, market abuse, third-party risk, ICT). Les contrôles sont fondés sur un échantillonnage structuré, avec critères de matérialité et traçabilité. Le contrôle périodique (audit interne ou externe mandaté) évalue l’efficacité, formule des recommandations prioritaires et vérifie le closing des actions dans des délais convenus.
La cartographie LCB-FT doit refléter les risques par typologies de clients, produits, canaux et zones géographiques, avec des notations de risques justifiées et mises à jour. Les KYC/EDD sont proportionnés et actualisés ; les déclencheurs d’événements (événements patrimoniaux, changements de bénéficiaires effectifs, évolution des activités ou des volumes) conduisent à des revues. Les outils de filtrage et de détection sont paramétrés, testés et recalibrés annuellement. Les procédures de gestion des alertes définissent les responsabilités, délais, niveaux d’escalade, et les indicateurs (KPI/KRI) suivent volumes, délais, backlog et qualité. La formation ciblée est donnée aux équipes front/middle/back et au management, avec traçabilité et évaluations. Les déclarations de soupçon sont argumentées, documentées et transmises sans délai injustifié.
La suitability exige des données clients complètes, des tests de robustesse des préférences de durabilité, et une justification claire des recommandations/transactions. L’appropriateness impose de vérifier les connaissances/expérience et d’adapter la communication en conséquence. La best execution requiert des examens périodiques de la politique, des analyses quantitatives et qualitatives d’exécution, et des publications conformes. Les abus de marché sont adressés via des listes d’initiés, une gestion rigoureuse de l’information privilégiée, des dispositifs de surveillance des ordres et transactions, et une gouvernance des communications externes sensibles.
Les reportings réglementaires (transaction reporting, EMIR/MiFIR, reporting prudentiel) doivent être complets, exacts et remis dans les délais. Les externalisations critiques nécessitent une due diligence initiale, des SLA, des contrôles de performance et des plans de sortie, ainsi qu’un registre des externalisations tenus à jour. L’ICT et la résilience opérationnelle s’alignent sur les exigences de sécurité, de continuité et de gestion d’incidents, avec tests réguliers et tableaux de bord à destination du management et du conseil.
La CSSF attend une documentation probante : comptes rendus, registres, workflows, preuves de contrôles, logs de revues, attestations de formation, et dossiers de cas complexes. Au-delà, la culture de conformité se traduit par des comportements : capacité à challenger, transparence sur les incidents, amélioration continue et absence de tolérance au « papier sans exécution ».
La sanction administrative du 13 novembre 2025 rappelle l’exigence d’un dispositif de conformité fondé sur l’efficacité, la traçabilité et la responsabilité. Les établissements gagnent à anticiper les attentes de la CSSF en conduisant des revues à 360° de leurs piliers de conformité et de contrôle interne, en assurant la cohérence entre politiques, procédures, contrôles et indicateurs, et en renforçant la responsabilisation des dirigeants et des équipes opérationnelles.

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