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Anticorruption : la Commission européenne dévoile sa proposition de directive

Bruxelles veut aligner le droit de l'ensemble des États membres sur des mesures de prévention et de répression de la corruption. Explication de texte.


En 2022, la présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen, ne mâchait pas ses mots sur les progrès restant à faire dans l’UE en matière de politique anticorruption : « si nous voulons être crédibles lorsque nous demandons aux pays candidats de renforcer leurs démocraties, nous devons également éradiquer la corruption chez nous », déclarait-elle dans son discours sur l’état de l’Union au mois de septembre. Elle évoquait notamment la nécessité de moderniser le cadre législatif anticorruption. Sept mois plus tard, la Commission européenne rend publique une proposition de directive sur ce sujet poursuivant deux grands objectifs. D’abord celui de prévenir et de lutter contre la corruption à l’aide d’une série de mesures qu’il conviendrait aux États membres de mettre en place. Ensuite une volonté d’harmonisation, a minima, des définitions des infractions pénales et des sanctions en matière de corruption à appliquer au sein des différents pays membres. C’est sur ce second volet que le projet de texte législatif est le plus détaillé. Présenté le 3 mai, il doit désormais être adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Une fois adoptée, les États membres auront ensuite 18 mois pour transposer la directive.


Un article est dédié à la prévention de la corruption (article 3). Ce sont surtout des mesures de politique publique qui pourraient être imposées aux États membres. Le texte évoque la mise en place d’actions appropriées comme des campagnes d’information et de sensibilisation destinées au grand public et des programmes de recherche et d’éducation, le tout pour réduire les risques et les délits de corruption. La proposition aborde, en quelques phrases, la nécessité pour les pays de l’UE de veiller à ce que le secteur public - administration publique et processus de mise en œuvre de politiques publiques - soit tenu de rendre des comptes selon « les normes les plus élevées » en matière d’anticorruption. Elle devrait également imposer aux États « d'adopter des règles efficaces en matière de libre accès aux informations d'intérêt public, de divulgation et de gestion des conflits d'intérêts dans le secteur public, de divulgation et de vérification des avoirs des fonctionnaires ainsi que des règles régissant l'interaction entre le secteur privé et le secteur public », résume le communiqué de presse.


Travailler en réseau


Enfin, sur le volet préventif, la Commission évoque aussi la nécessité pour les pays de l’UE de développer des mesures adaptées à des risques spécifiques à certains domaines d’activité, concernant tant le secteur privé que le secteur public. Ces mesures devraient poursuivre l’objectif de - prévenir - a minima toujours - la corruption des hauts fonctionnaires, des membres des forces de l’ordre et de la justice. Le Commission souhaite encore imposer aux États l’analyse régulière des secteurs les plus exposés aux risques de corruption. Sur ce point, une communication accompagne la proposition de texte législatif et fait part du souhait de l’UE d’instaurer un réseau contre la corruption travaillant à cartographier « les domaines communs où les risques de corruption sont élevés dans l’ensemble de l’UE ». Au sein de ce réseau devraient coopérer « les services répressifs, les autorités publiques, les praticiens, la société civile et d'autres parties prenantes », énonce le communiqué de presse de la Commission.


Une autorité pour prévenir la corruption


La proposition de texte, issue des services de la Commission, ne développe pas d’obligation pour certaines entreprises de mettre en place un programme interne de prévention de la corruption, comme l’impose le droit français depuis l’adoption de la loi Sapin II. Elle reste timide sur son volet préventif. Néanmoins, elle aborde la nécessité pour les États d’avoir un ou plusieurs organes - fonctionnellement indépendants - spécialisés dans la prévention de la corruption. Il s'agirait d'autorités distinctes de celles en charge de réprimer des faits de corruption, à l'image de l'Autorité française, bien qu'elle ne soit pas une autorité administrative indépendante.


Volet pénal


Concernant le volet pénal du texte, beaucoup plus riche, la proposition souhaite « harmoniser les définitions des infractions (…) poursuivies en tant que corruption afin de couvrir non seulement la corruption, mais aussi le détournement, le trafic d'influence, l'abus de fonctions, l'obstruction à la justice et l'enrichissement illicite lié aux délits de corruption », précise le communiqué. « La proposition intègre tous les délits couverts par la convention des Nations unies contre la corruption dans le droit de l'UE et traite aussi bien la corruption dans le secteur public que celle dans le secteur privé ». Elle envisage d’ « augmenter le niveau » minimal « des sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques et morales » (article 15) et « harmoniser les circonstances aggravantes et atténuantes » (article 18).

La mise en place d’un outil de justice négociée, à l’image de la convention judiciaire d’intérêt public en France, n’est pas abordée par la législation proposée par l’exécutif européen. La balle est désormais dans le camp des eurodéputés qui pourraient vouloir muscler le projet entrepris par Bruxelles.



Sophie Bridier

Rédaction Droit des Affaires

Rédactrice en chef, en charge des marchés directions juridiques, avocats d’affaires, DPO


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